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Les histoires d'Elise
21 mars 2006

Complots et trahisons

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Ouh là là, que de bonnes nouvelles ! Non seulement mon fils premier né est rentré au bercail, mais même pas une semaine plus tard, il me demande mi-pompeusement, mi-gêné s'il peut demander à sa Marilène de venir habiter ici. Oh, je sais ce que vous allez dire, ils auraient bien pu se prendre une petite maison avec les sous qu'ils ont économisé, surtout elle, elle travaillait dans un bar, mais…j'ai un peu insisté pour qu'il reste. Bon, encore une fois, Lessa l'a dit avec ses propres mots, lorsqu'elle est venue passer un week end chez nous (ce qui se fait de plus en plus rare, croyez moi) :

- Ho, maman, tu crois pas que tu pousses un peu là ? Bientôt, tu vas le menacer de suicide s'il ne s'installe pas chez vous. Laisse lui donc un peu d'intimité !
 Humpf… Heureusement que mon Robinton n'a pas écouté sa sœur… Il est venu à la maison, et nous a amené une fille (qui sait, une future belle fille, peut être, mais je ne dois pas trop espérer…).
Première tache : relooker Marilène. Depuis le temps que ça me démangeait de faire ça à Lessa, je me suis défoulée. Marilène est arrivée fichue comme l'as de pique et se baladait toute la journée avec un tablier façon mémère. On a de-tressé les cheveux, mis un peu de maquillage et je lui ai prêté d'anciens vêtements à moi. Voilà un petit diamant que je viens de tailler. Robinton lui même est impressionné de voir que sa petite amie est vraiment très belle !

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Pendant que Robinton était à la fac, mon "entreprise" a plus que prospéré. J'ai du passer quelques jours à tout lui expliquer, avec l'aide de Jacques. Jacques se fait nettement moins présent dans ma vie professionnelle depuis que Robinton est rentré. Le cher amour, il sait que dans mon cœur, c'est mon fils qui va prendre les rênes, et il a su s'effacer avec dignité. Pour s'occuper avant d'être trop vieux, il pense revenir à ses premières amours : le sport… Entraîneur de foot ou entraîneur de basket ? Il s'en va discrètement prendre l'avis de Sebell pendant que je détaille tout à Robinton.

L'association avec Kier Gray, le promoteur immobilier a été bénéfique à plus d'un niveau. Ses fonds nous ont permis de fonder l'Orlithe Corporated, société ayant maintenant des actionnaires, un conseil d'administration dont je suis la directrice, etc etc. Grâce à la vente prolifique premières actions (il semblerait que j'ai un flair redoutable pour les actions boursières ; héritage génétique, sans doute), on a pu racheter un certain nombre de petites entreprises locales qui montaient, et je me trouve maintenant à la tête d'un groupe qui commence à vraiment être puissant. Même si je ne m'octroie que mon salaire de PDG-ère (Jacques me taquine en me traitant de "Reine des affaires"), je dois avouer que l'argent rentre à flot et que les soucis financiers particuliers à mon premier mariage sont bien oubliés.

Il a fallu une bonne semaine de travail acharné pour mettre Robinton au courant de toutes les ramifications. Mais j'ai comme un arrière goût de déception. On dirait que son passage à la fac lui a un peu fait oublier que lui-même s'était toujours considéré comme mon successeur.

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L'abcès a éclaté quelques jours plus tard. J'étais véritablement très intriguée par son comportement nonchalant. Robinton n'avait montré aucun signe de vouloir prendre les rênes avec moi. Ce comportement me rendait limite hystérique et Jacques subissait mes heures d'insomnie au point de parfois émigrer sur le canapé (avec force excuses, bien sûr !). Le rôle d'un mari est parfois difficile, et voyant que je commençais à devenir agressive vis à vis de Robinton, Jacques s'est attelé à la difficile tâche de me faire comprendre que je ne pouvais pas agir avec mon fils comme mon père avait agit avec moi, car ça nous conduirait à la même chose, le départ de Robinton. Lorsque j'ai eu pleinement assimilé cette information et surtout que j'ai réussi à l'accepter comme une vérité (cher Jacques, cette période n'a pas été facile pour lui…), j'ai tenté de restreindre mon énervement et de ne plus harceler sans cesse mon fils aîné avec ces considérations, me disant que lorsqu'il serait prêt, je le saurai !
Mais, mes bonnes résolutions ont été mises à mal par la vie de Robinton. Il sortait tous les soirs, ne ramenait pas d'argent à la maison, et se satisfaisait apparemment de dépenser le notre. J'ai tenu jusqu'à son dernier achat, une voiture de sport très coûteuse que je le soupçonnais avoir acheté pour épater la galerie (pour quoi d'autre sinon ?).
Je l'ai donc cueilli dès qu'il eut fini de rentrer son bolide dans le garage en l'informant gentiment mais fermement que nous devions discuter.

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Pendant que je l'informais, son regard s'est fait fuyant. Il a soupiré, s'est assis sur un canapé et s'est mis à jouer avec ses clés.

-Très bien maman, puisqu'on ne peut plus repousser, dis-moi donc ce que je peux faire pour toi.
-Robinton, je pense que tu sais parfaitement ce que je veux. J'ai besoin de m'organiser pour l'avenir, alors il faut que tu me dises franchement : as-tu l'intention de reprendre l'Orlithe Corporated ou dois-je demander à Lessa ou Sebell de s'y préparer ?
Je n'ai pas beaucoup aimé le sourire narquois qu'il a eu à ce moment là…
-Maman, je ne suis pas sûr que Lessa ou Sebell soient réellement intéressés. D'autant plus que dans cette famille, tout le monde sait que c'est moi qui a toujours été destiné à prendre ta suite
-En effet. Mais je dois savoir si cette tache t'intéresse ou si tu te destines à autre chose… Comprends que la façon dont tu te conduis est plutôt curieuse…
Robinton a eu un long silence ; j'en ai même cru que notre discussion allait être close, j'étais allée trop loin dans les reproches. Mais finalement :

-Maman, j'admire la façon dont tu as mené ta barque et je suis fier que tu m'aies choisi comme successeur. Je désire réellement reprendre le flambeau. Mais j'ai envie de vivre un peu avant !
-Mais tu as fait la fac et tu as Marilène maintenant, objectai-je, surprise par ces propos.
-Oui, bien sur, Je suis heureux d'être avec Marilène, mais l'expérience de la fac a été extraordinaire ! J'ai vécu un tas de choses inoubliables auxquelles je pense souvent. Tiens, tu sais quoi, maman ? Je crois que je vais écrire mes mémoires. Oui, continua-t-il sans me laisser le temps de répondre (de toute façon, je n'aurais pas pu, je crois), ça, c'est une super idée ! Et quand j'aurais terminé, promis, je serai ton digne successeur.
Joyeux, il se leva avec un grand sourire, me plaqua un gros baiser sonore sur la jour et partit en gambadant, me laissant très très perplexe… Des mémoires ? Il a à peine passé ses 20 ans, qu'est ce qu'il va bien raconter ?

C'est poussée par cette question que je me suis (honteusement, certes) laissée aller à lire ses mémoires sur son ordinateur.

 

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Et là, que n'ai-je pas fait ?? Bien sûr, j'ai mérité la douleur des révélations, je n'avais vraiment pas à fouiller là-dedans… Dans un premier temps, j'ai appris que mon petit Sebell courait le jupon avec toutes les filles du quartier, mais surtout avec Gallice Gray, la petite-fille de Kier. En soi, rien de choquant, mais j'ai été blessée par le ton amusé et moqueur qu'a utilisé Robinton pour décrire les râteaux de son frère. Après tout, lui-même ne risquait pas de s'en prendre, à l'époque, il n'essayait même pas.

Mais, le véritable coup dans mon cœur, ce fut la description détaillée (bien trop à mon goût) des amours de Lessa. Au début, j'étais plutôt ravie que ma petite fille trouve un homme qui supporte son caractère… Mais j'ai fini par comprendre que cet homme était un de ses profs et qu'il devait facilement avoir le double (voire le triple) de l'âge de Lessa. Furieuse, je décrochais le téléphone, prête à alerter le doyen du campus qu'une jeune étudiante se faisait abuser par un de ses enseignants. Après tout, il ne pouvait s'agir que de ça…

Quelle ne fut donc pas ma stupéfaction tandis que je poursuivais ma lecture, apprenant du ton amusé de Robinton tous les efforts qu'avait du déployer sa sœur pour amener l'homme dans son lit. Car, si je lisais entre les lignes, ce professeur ne souhaitait pas du tout s'engager dans ce type de relation, mais ma fille l'avait eu au charme et à l'usure. Telle père, telle fille, me direz-vous.

J'aurais pu être intéressée par connaître ses motivations, mais le cœur me manquait pour continuer cette difficile lecture. J'ai donc éteins l'ordinateur précipitamment, peu désireuse d'apprendre autre chose. Une chose est sûre : il faudra que j'arrive à empêcher Robinton de faire publier ce torchon. Et que j'ai une discussion sérieuse avec Lessa dès qu'elle reviendra pour lui expliquer ce que je pense de tout ça !

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Et bien en tout cas, mon Robinton, on peut dire qu'il sait s'y prendre avec sa maman. J'espère en tout cas que sa décision n'a pas été motivée que par le souci de me plaire…

Le dernier week-end que Lessa a passé chez nous, Robinton et Marilène nous ont annoncé leur futur mariage. Ah, mes aïeux, que ce week-end fut donc mouvementé !
Aussitôt que Lessa eut posé sa valise dans sa chambre, je l'ai longuement questionné sur sa vie à la fac. Oh, discrètement, bien sur, car je ne voulais pas d'une scène entre Robinton et Lessa ou entre Robiton et moi pour cause d'indiscrétion. Mais figurez vous qu'il n'y a rien eu à en tirer sur sa vie sentimentale, malgré tous mes efforts. Oh, ça pour le boulot, elle m'en a raconté :
-Tu fais bien de me parler de ça, maman, car je voulais t'annoncer que je resterai à la fac quelques années de plus que Robinton.
-Comment ça ? Qu'est ce qui te retiens là-bas ? Un garçon peut-être ? (d'accord, aucune de mes tentatives pour savoir ne fut très subtile mais au moins, je n'ai pas eu de scène !)
-Non, maman, m'a-t-elle répondu en riant. Mais Robinton n'a poussé que jusqu'en maîtrise et moi, les sciences physiques me passionnent tellement que je souhaite continuer sur un doctorat.
-Un doctorat ? hou là, tu sais que moi, j'ai tout appris sur le tas, alors je ne sais pas bien de quoi tu parles…
-ça veut juste dire 4 ou 5 ans de plus, maman.
Quatre ou cinq ans de plus à fricoter avec ce prof ??!! Humpf… ça, c'est ce qu'on verra.

Robinton et Marilène se sont mariés deux mois plus tard. J'ai senti mon fils déçu, car prétextant des expériences impossibles à quitter, Lessa n'a pas assisté à son mariage. Mais, Jacques, Sebell et moi-même les avons regardé échanger leurs vœux la larme à l'œil… Ah là là, moi qui rêvais tant que mon grand garçon se marie !
Il ne reste plus que les petits-enfants, et j'ai bon espoir car Marilène, en bonne fille unique, ne parle que d'avoir une immense famille !

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Malgré toutes ses grandes paroles, j'ai bien cru qu'on allait m'enterrer avant d'avoir vu la génération suivante (je ne compte même pas sur Lessa, et Sebell ne pense qu'à multiplier les conquêtes…) ! Marilène a gardé sa taille de guêpe des mois durant et je commençais à désespérer lorsqu'on s'est aperçus, Jacques et moi, qu'elle faisait de plus en plus d'aller-retour entre le frigo et les toilettes pour vomir… Les vomissements se sont calmés pour laisser place à une fringale impossible à calmer qui vidait notre frigo vitesse grand V. Et Marilène a fini par nous annoncer, le rose aux joues, que la troisième génération des Orlithe était en route (en vrai, elle a dit qu'elle attendait un bébé, mais j'ai trouvé ça un peu banal).

Mon cœur regardait son ventre s'arrondir doucement avec émotion et je pensais que plus rien ne pourrait assombrir mes vieux jours, pas même les frasques de Lessa avec son prof.

Mais, un jour, Robinton est revenu du travail avec des nouvelles inquiétantes. Ayant enfin terminé ses horribles mémoires (Dieu merci, il n'a jamais parlé de les publier), il s'est petit à petit investi dans l'Orlithe Corporated, jusqu'à ce que je le nomme directeur commercial de la branche Sud-Ouest de Ruatho. Parti démarcher un futur client, il a rencontré là-bas un certain Sentil Cross. Connaissant nos origines, il est venu m'en parler le soir même. Nous en avons longuement discuté puis, nous avons décidé de ne pas nous affoler, la présence de ce patronyme si proche de nous n'étant probablement qu'une coïncidence.

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Malheureusement, c'était mal connaître mon père, Jommy Cross. Robinton a eu plusieurs contact de Sentil Cross, qu'il a repoussé pour m'épargner, ayant appris par une agence de détectives privés que Sentil n'était autre que le fils autrefois illégitime de Jommy, mon demi-frère, donc. Son fils repoussé, Jommy nous a envoyé sa femme, Nehallia, celle qu'il avait épousé peu de temps après que je quitte la maison, celle qui lui avait donné un fils.

Je n'ai pas eu le cœur de repousser cette vieille femme qui venait avec toute la tendresse et la tristesse dont elle disposait. Je l'ai reçue dans mon bureau et nous avons discuté de longues heures. Elle m'a expliqué que Jommy était gravement malade, mourant, même (je le pensais déjà mort, loin, là bas… après tout, il avait un peu plus de 90 ans). Et qu'il souhaitait se réconcilier avec moi avant de mourir. Elle-même m'a paru être une brave femme qui ne pensait qu'au bonheur d'un mari de 25 ans son aîné, et qui se desséchait doucement à l'annonce de la mort de cet homme.

Elle m'a supplié humblement d'oublier ma rancœur et de consentir au caprice d'un vieil homme : lui accorder mon pardon.

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Mes maternités ont du attendrir mon cœur avant si dur à l'égard de cet homme. Ou peut-être est-ce Nehallia, avec sa force tranquille et ses larmes muettes qui m'ont convaincue. À la suite d'une longue discussion incluant Jacques et Robinton (Sebell me paraissait trop jeune pour comprendre tous les tenants et aboutissants et Lessa m'a dit d'entrée "Fais ce que tu veux, maman, je serai d'accord"), j'ai pris la décision de me rendre au chevet de Père.

La première rencontre, après environ 40 ans de froid, fut plutôt pénible, car je découvrais un autre homme que celui que j'avais quitté, toutes ces années plus tôt. Nehallia et Sentil sont venus me chercher, Jacques et Robinton m'accompagnaient. Sentil nous a conduit aux limites de la vallée de Ruatho, là ou Jommy Cross s'est fait construire une résidence secondaire pour ses vieux jours, en souvenir de sa première femme Lili. Arrivée devant l'immense manoir, j'ai demandé aux autres de me laisser seule pour cette première entrevue. Je suis montée à l'étage et ai trouvé un très vieil homme, affaibli par une maladie qui durait depuis des mois selon Sentil.

J'ai passé plusieurs heures à son chevet, alternant de longs silences avec des récits entrecoupés de nos vies respectives. Père semblait sincèrement regretter ces années de silence et le mal que nous nous étions fait mutuellement. Certaines de ses paroles ont touché mon cœur et je suis revenue les jours suivants. Nous parlions beaucoup, parfois en compagnie de Nehallia, parfois seuls, et je sentais renaître en moi une chose que je croyais morte depuis longtemps, la confiance en mon père.

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Le sachant condamné, j'ai passé de plus en plus de temps au manoir Cross, délaissant ma famille et mon travail. Je me sentais plus utile à tenter d'égayer les vieux jours d'un homme mourant que dans mon bureau à amasser des millions.

Je n'ai fait une pause que de quelques jours, pour assister à l'accouchement de Marilène qui a donné jour au premier né de la 3e génération, Jancis. Le fait que ce premier né soit un fils de Robinton me laisse présager un bel avenir à cette famille. J'en ai aussi profité pour mettre des papiers en ordre et nommer Robinton directeur-général intérimaire de l'Orlithe Corporated. Intérimaire, c'était pour rassurer les actionnaires, et parce que Kier Gray avait insisté, mais maintenant, je doute de jamais reprendre ce poste. Je me fais trop vieille pour ça.

Ayant réglé ces affaires là, je partageais mon temps entre mes visites à Père, plus que fréquentes (à tel point que j'avais désormais une chambre là-bas), et la vie de famille que j'essayais de maintenir riche à la maison. Jacques me soutenait de tout son cœur, comprenant que cette démarche était bonne autant pour moi que pour le vieux Jommy Cross. Oh mon Dieu, comme j'aurais souhaité que quelqu'un m'arrête pendant qu'il en était encore temps !

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Mais ce manège n'a pas duré longtemps. Jancis avait à peine 6 mois quand, lors de l'une de mes visites quasi quotidiennes au manoir, Sentil m'a prise à part pour discuter. Je n'avais jamais vraiment appris à connaître mon demi-frère, et spontanément, je ne le portais pas dans mon cœur, mais néanmoins, je le suivais sur le balcon de la chambre de son père.

-Moreta, je dois te parler d'une chose qui m'inquiète grandement au sujet de l'Orlithe Corporated.
Je lui fis signe de continuer, me demandant ce qu'il pouvait bien me dire à ce sujet-là.
-Tu vois, vu que tu passes la majeure partie de ton temps ici, je me suis dis que vu que je connais le métier, il n'y aurait pas beaucoup de mal à ce que j'épaule un peu Robinton. Je dois t'avouer qu'il n'a d'ailleurs pas craché sur mon aide.
Je levais les sourcils, étonnée que Robinton ne m'ait jamais parlé de ses problèmes et me demandant quand est-ce que Sentil avait pu l'aider. Il m'avait semblé le voir systématiquement ici à traîner autour du lit de son père à chacune de mes visites.
-Très bien, je suppose qu'il t'en est reconnaissant.
-Oh, vois-tu, Moreta, di-il en esquissant un fin sourire carnassier, c'est plutôt moi qui lui en serais reconnaissant.
-Que veux-tu dire par là ?
Je commençais à être inquiète. Son sourire ne me disait rien qui vaille et n'oublions pas qu'il était le rejeton du célèbre magnat Jommy Cross.
-Et bien, tandis que mon cher neveu arpentait les musées pour trouver des toiles à acheter et à  revendre dans quelques années, j'ai pu jeter un œil à des dossiers… hum… disons qui ne devraient pas tomber entre de mauvaises mains. En fait, heureusement que je les ai trouvés, je les ai effacés du disque dur de Robinton et copiés sur une disquette.
-J'espère que tu lui en a parlé, au moins, répondis-je, énervée, avec la sensation que l'amour de Robinton pour les tableaux était en train de nous jouer un tour.
-Oh, surtout pas… C'était avec toi que je voulais en parler. Vois-tu, ton fils s'appuie beaucoup sur moi pour diriger l'Orlithe Corporated, et je ne souhaite pas que ça change. J'aimerais donc que tu l'encourages dans ce sens.
-Pourquoi ferai-je ça ? L'Orlithe dois revenir à Robinton, et je ne ferai rien qui irait contre ça.

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-Hum, je crois bien que si, Moreta…
Emporté par la colère, je le coupais en criant :
-Tu ne peux pas m'y contraindre, Sentil, alors arrête d'insister !!! Je me retournais pour revenir dans la chambre quand Sentil attrapa fermement mon bras pour m'empêcher d'aller plus loin.
-Doucement, Moreta, reviens un peu par ici, siffla-t-il entre ses dents. Tu ne voudrais pas déranger Père et Nehallia ? Laisse moi donc finir.
Je me tus et l'écoutais, incapable de prononcer un mot de plus par crainte de briser le fragile équilibre que j'avais reconstruit avec Père et Nahallia.
-Souviens toi de ton premier mari, Moreta… Personne n'a jamais su qui l'avait tué, non ?
Muette, je fixais Sentil, accablée à l'idée que j'allai entendre ce que j'avais voulu oublier toutes ces années.
-Et bien, Robinton, lui, l'a toujours su. J'ai trouvé ça dans un fichier dans lequel il raconte sa vie. Oh, j'ai du en passer par les passionnantes aventures amoureuses de sa sœur pour lire ça, mais ça valait le coup…
Oh mon Dieu, ses mémoires ! Pourquoi n'ai-je pas vu ce passage, et pourquoi n'ai-je pas obligé Robinton à les détruire !!
-Il y raconte comment il a séduit une fille du voisinage, et comment il l'a utilisée pour commanditer le meurtre de Florient. Il y raconte pourquoi il a fait ça, par une sorte d'adoration pour toi, et pour te délivrer de celui que tu appelais déjà "ton poids mort". Il est malin, ton petit, il est le digne descendant de son grand-père. La fille qu'il a séduite a fait tout ce qu'il voulait à l'époque, se salissant les mains pour lui ; pendant ses études, il a fait réapparaître des preuves pour qu'elle soit mise en prison et se taise définitivement. Oh bien sur, elle a clamé son innocence, mais Robinton a su où faire pression pour que personne, pas même toi, n'entende parler de ce jugement expédié.

Oh mon dieu, mes pires craintes étaient fondées ! Robinton est un meurtrier !

-Mais que veux-tu, alors ? m'écriais-je.
-Je te l'ai dit : Continue à passer ton temps ici et encourage Robinton a chercher mon appui. Je veux juste ma part de l'entreprise que tu as construite. Après tout, tu peux bien faire ça pour
ton petit frère, non ?

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Dépitée, je rentrai chez moi la tête basse. En arrivant à la maison, Robinton vit tout de suite que quelque chose n'allait pas et s'informa de ce qui se passait. M'assurant que le reste de la maison dormait, je l'entraînais avec moi :

-Robinton, nous devons parler tous les deux.
Robinton était un jeune homme lorsqu'il avait entendu ça la dernière fois. Mais il avait mûri depuis et son visage n'afficha qu'une sincère inquiétude.
-Très bien, allons dans ton bureau maman.
Et là, je lui déballais tout. La soirée fut particulièrement dure et Robinton en pleura lorsqu'il su que je connaissais ses secrets. Nous en avons longuement parlé et il a finit par m'avouer qu'il voulait "seulement me délivrer" à l'époque. En sortant avec des copains, il avait entendu parler des hommes qui pouvaient lui "faire le boulot", et il s'était débrouillé pour les engager. J'en étais encore plus bouleversée. Je ne pouvais en vouloir à mon fils. C'était de ma faute, il avait trop entendu parler du "poids lourd" qui m'encombrait. C'était à mon tour d'être punie par les remords, car ce soir là, je m'aperçus qu'ils avaient rongé Robinton toutes ces années durant.
D'un commun accord, nous avons décidé de faire comme si nous obéissions sagement à Sentil Cross, pour nous laisser le temps de trouver une solution. Robinton ferait comme s'il ne savait rien de ma discussion sur le balcon de Cross.

Comme prévu par Sentil, je retournais donc jour après jour là-bas pour voir Père. Mais, un soir, j'arrivais plus tard que prévu et les deux hommes ne devaient plus m'attendre. Le spectacle que je vis par la fenêtre me fis frémir : Jommy Cross, prétendument alité et trop faible pour se lever, disputait tranquillement une partie de billard avec son fils. Voilà le coup le plus bas qu'un père pouvait faire à sa fille.

Jommy Cross était dans le complot.
 

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La douleur des révélations de ces derniers jours fut trop lourde et je l'avoue, j'ai craqué. Je suis rentrée et j'ai passé la moitié de la nuit dans la chambre à pleurer. J'avais demandé à Jacques d'aller passer la nuit à veiller sur Jancis qui nous faisait un vilain rhume, pour pouvoir au moins m'effondrer sans témoin.

Cet homme infâme, celui qui fut mon père, avait reconquis ma confiance et presque une forme d'amour pour me poignarder plus profondément dans le dos. Cette nuit là, je le désavouais ; pour moi, il n'a rien d'un père, il n'est plus que Jommy Cross, un homme malfaisant.

Ces quelques heures de pleurs et de réflexions m'avaient requinqués, mine de rien. J'avais fait une sorte de deuil de certaines choses, il était temps de passer à d'autres. Et par dessus tout, je ne voulais pas laisser manger l'Orlithe Corporated par ces deux hommes.
Leur jeu a commencé à être clair au bout de quelques semaines. Petit à petit, Robinton faisait semblant de se laisser convaincre que l'Orlithe serait plus forte si Sentil en possédait des parts. Il a ainsi racheté les parts des petits actionnaires, visant visiblement de plus gros.
Des gros actionnaires, dans l'Orlithe Corporated, il n'y en a que 2 : moi (ou plutôt la famille Orlithe) avec 51% et Kier Gray avec 20%. Le reste était partagé entre plusieurs autres personnes et a rapidement été racheté par Sentil.
Robinton n'avait de cesse de se dénoncer à la police pour me libérer de ce carcan, mais j'avais d'autres idées derrière la tête. On ne me cherche pas impunément et la rage m'habitait.

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