En route vers le succès
Paf, ni une
ni deux, je saute sur l'ordi pour contacter cet homme là, pendant que la nounou
harcèle Florian pour qu'il bouge un peu du canapé où il semble particulièrement
se plaire ces derniers temps. Il ne faudra pas qu'il s'étonne de la brioche qui
vient de lui pousser sur le ventre, celui-là…
Bref, je
contacte M. Gray, mon fameux fraudeur. En réalité, il s'agit d'un très
important promoteur immobilier, qui s'occupe à peu près de toute la région. Tu
m'étonnes que je lui ai laissé sa chance, au contrôle des douanes : il ouvrait
des yeux plus grands que moi lorsqu'on a trouvé les costume de mascottes des
Lamas cachés dans la garniture de son coffre de voiture !
Je lui
explique mon projet. Faire carrière dans la police ne m'intéresse pas, ce que
je veux, c'est fonder mon entreprise.
Bien sur,
le brave homme ne cache pas son désir de m'aider, en guise de remerciements.
Malheureusement, il n'a pas le bras assez long pour me faire décrocher le
crédit faramineux qui me permettrait d'acheter divers stock-option et autres
actions boursières qui me ferait démarrer. Par contre, il avait une autre piste
:
- Moreta,
je connais une entreprise du coin qui commence à monter. Ils fabriquent en
chaînes les maillots de l'équipe des Tortues, les concurrents des Lamas (-
quelle ironie ! -). Ils auraient un poste de libre pour distribuer le courrier
interne. C'est le bas de l'échelle, certes, mais si vous connaissez les
ficelles du métier, vous aurez vite fait de prendre la tête de la boîte.
- Ça me
paraît une bonne idée M. Gray, ça m'intéresse beaucoup…
- Par
contre, sortez des douanes… Rejoignez la police "classique", je ne
veux pas qu'on fasse le lien entre vous et moi, de n'importe quelle façon que
ce soit.
- Tu te
rends compte ma petite chérie ? Maman a eu une semaine très chargée :
réintégration de la police, et on ne m'a pas réintégré au bas de l'échelle,
mais je suis inspectrice ! Enfin, je l'ai été durant deux jours, le temps de
recevoir mon pistolet à empreinte (soigneusement rangé dans la garçonnière de
Florian. J'ai trouvé la clé, et il sait qu'il ne doit pas toucher à mes
affaires là bas s'il ne veut pas que le bulldozer passe sur son cher refuge) et
puis j'ai démissionné dans la foulée. Bon, c'est sûr, ça ne leur a pas fait
plaisir !! Ils ont eu comme une drôle de sensation au bureau quand j'ai annoncé
ça."
Ma petite
fille m'écoute de toutes ses oreilles et participe à ma joie :
- Ga heu bouh gouzi mo-man"
Brave
petite, qui sait dire maman !
- Et oui
mon ange, maman est libre maintenant, elle peut demander à M. Gray de la faire
entrer dans l'entreprise (il a bien voulu bloquer l'admission à ce poste ces 6
derniers mois, dieu sait comment).
J'en ai bien évidemment discuté avec Florian, vu qu'il va y avoir une modification de nos ressources. Je crois pouvoir résumer la discussion par "il se moque totalement de ma carrière professionnelle". Il me fait penser à mon père, d'une certaine façon.Tout ce que j'ai obtenu comme encouragement, ce sont des jérémiades à n'en plus finir sur la somme d'argent qui ne rentrera pas, sur son travail à lui qui est épuisant, sur les enfants qui sont infernaux, sur sa vie qu'il n'aime pas, sur Jacques… Oh là là nous y revoilà… Ce discours n'avait d'autre but que de l'amener à parler de Jacques.
- Mais
entre les enfant, le boulot et t'obliger à bosser, je n'ai quasiment plus de
temps pour le voir Jacques ! Si ça se trouve, il m'a oubliée depuis longtemps !
Alors cesse de t'inquiéter pour ça. Est-ce que je te demande des comptes, moi
sur Abdel, ou Irène, ou encore toute l'équipe de marmiton que tu nous ramène
chaque soir ?
Tant de
morgue m'insupportait. On est reparti une fois de plus à se disputer sur nos
amants respectifs, lui étant complètement obsédé par Abdel. C'est pas
compliqué, chaque fois que je rentrais du boulot, Abdel ronflait paisiblement
dans notre lit conjugal, et Florian n'était jamais bien loin, avec ce sempiternel
air idiot plaqué sur le visage.
- Hé hé hé !
fit-il, l'air de ne pas avoir entendu la fin de ma tirade, "alors, on
s'est fait plaquée par son chasseur de cafard ? Peuh, de toute façon, toute la
maison puait l'insecticide à chaque fois qu'il est venu…"
MMMMMmmmmh, faut-il que j'en ai envie de cette machine à chocolat pour ne pas le foutre dehors !
Non mais
là, ça en devient réellement lassant. Je rentre du boulot et qu'est-ce que je
vois ? Monsieur, sous prétexte de perdre la brioche récemment greffée sur son
abdomen s'offre les services d'une prof de sport particulière. Je n'y crois pas
! Déjà, on n'en a pas vraiment les moyens, mais en plus, c'est pas du sport
qu'il fait ! C'est de la drague ! Et, elle, tranquillement, se laisse faire,
tout en me regardant rentrer dans la maison du coin de l'œil, sans doute pour
s'assurer que je l'ai bien vue et vérifier que je ne vais pas débouler en
trombe sur elle pour la rouer de coups.
Comme si
c'était mon genre, je ne suis plus une gamine quand même. Bon, je réglerai tout
ça plus tard, ce soir, je suis invitée par mon équipe au resto car, malgré tous
les bruits qui courent sur mon couple, le directeur de la boite me trouve bien
et m'a fait passer à un poste un peu meilleur. Mais il faut vraiment que je trouve une solution !
Ouh, il
semblerait que je n'ai pas besoin de chercher une solution très loin. Robinton
a surpris son père en train de taquiner la gueuse dans le jardin alors que
j'étais à mon repas d'affaire et il semblerait qu'il ait oublié sa sacro-sainte
résolution d'enfance de ne pas se mêler des affaires de ses parents ! Il a
envoyé son père s'occuper un peu de sa petite fille (qui ne jure que par lui...
Lessa est folle de son père, je ne crois donc pas que je pourrai me séparer de
lui, par amour pour elle) et a pris "la prof de sport" entre quatre
zyeux, lui expliquant de façon ferme et définitive qu'il n'était pas question
qu'elle tourne comme ça impunément autour de son père.
La
demoiselle n'a pas demandé son reste, croyez moi ! C'est qu'il n'a pas l'air,
mon Robinton, mais il n'est plus un gamin !
D'ailleurs,
puisqu'on en discute, je trouve qu'il a bien changé mon petit garçon si
affectueux. Oh, pas en mal bien sur, si je dois le choisir comme héritier de ma
future grande entreprise (si si, j'y arriverai !!) ; il s'est durci et n'a plus
qu'un mot à la bouche : pognon, pognon et pognon ! Je n'y tenais pas trop vu
que je voulais privilégier l'école mais il a fallu qu'il prenne un petit boulot
pur se payer les babioles qui lui font envie (et quand je dis babioles, c'est
plutôt des tableaux de maîtres à 5000 simflouzes... On l'a bien aidé quelquefois,
mais faut pas trop pousser quand même ! L'argent ne pousse pas sur les arbres
après tout… Comment ça, si ?)
Il s'est
durci, mon Robinton, mais pas avec sa sœur… Ils ont d'excellents rapports tous
les deux, et mon cœur se gonfle de bonheur lorsque je les vois comme ça ensemble.
Lessa partage donc sa vie entre "ses" deux hommes : son papa (qui
s'en fiche comme d'une gigne, mais les yeux de l'enfance sont parfois naïfs…
Dommage, j'aurais préféré qu'elle ait la clairvoyance de son frère au même age)
et son grand frère. Je fais ce que je peux pour m'immiscer dans ce trio, mais
je sens bien que, si elle m'apprécie, ce n'est pas la même chose…
Et puis,
ils ont des projets communs, ces deux enfants ! Robinton a ajouté un second mot
à son vocabulaire récurrent : "université". Si vous le voyiez, il est
sans arrêt en train de faire tout un tas de choses pour obtenir des bourses
d'études. Il a déjà la bourse des jeunes entrepreneurs (c'est décidément un
futur chef d'entreprise, celui-là!), la bourse Ines Tetik, et une autre encore,
la bourse Matuvu, je crois. Bon, c'est sur, je suis contente qu'il fasse des
études que je n'ai jamais faîtes, mais il va devoir partir si loin… Mais je
crois que rien ne l'empêchera d'y aller… Ni sa sœur d'ailleurs, à qui il parle
d'une voix passionnée de ses projets d'avenir (qui comprennent MES projets,
j'espère bien !) et qui l'écoute avec toute l'adoration qu'une petite fille
peut mettre dans ses yeux.
Par contre,
je vous avouerais que je me suis fait du souci pour ses amours. A cet age là,
normalement, on ne pense pas qu'au boulot et aux études, on a aussi les
hormones en ébullition et on tourne autour de tous les jupons. Il faut croire
qu'il ne tient pas de son père, pour ça ! Au moment où je commençais réellement
à désespérer et à tenter de me faire à l'idée que mon fils préférait les
garçons, le voilà qui nous ramène une fille à la maison ! Est-ce que, comme me
l'a gentiment souligné Lessa, qui aborde elle aussi l'age difficile avec tout
le piquant dont en est capable une fille, ça n'aurait pas un rapport avec
"mes regards humides dirigés sur Robinton lors de mes incessantes allusions
à ma future descendance" ? Je n'en sais rien, je ne saurais y répondre.
J'essaie de ne pas écouter la petite voix perfide (si si, quand elle veut, elle
sait très bien le faire, sous ses airs innocents !) de Lessa me signalant
combien cette féminine apparition est arrivée juste à temps avant que je ne
sanglote ouvertement aux repas du soir…
Humpf… De
toute façon, à mon avis, ils ont plus l'air de comploter tous les deux que
d'essayer de se bécoter ! On verra bien qui a raison !